11ème EDITION 25 & 26 AOÛT 2022
LES DIABLERETS

Moving Mountains Forum

DEUX JOURS DE DISCUSSIONS ET DE DÉBATS

Le 11e Moving Mountains Forum a exploré les pistes d’un avenir durable
pour l’énergie et le tourisme de montagne

Organisé pour la première fois sur deux jours, le Moving Mountains Forum, qui se tient chaque année aux Diablerets, a réuni pour sa 11e édition quelque 150 personnalités politiques, économiques et académiques. Nourris et animés, les échanges ont porté sur la décarbonation du tourisme hivernal et la transition énergétique des vallées. Deux constats se dégagent : les solutions existent mais elles sont complexes, les antagonismes entre acteurs subsistent mais le dialogue s’instaure.

Face aux immenses défis que pose le réchauffement climatique aux régions de montagne, et à l’urgence de réduire notre empreinte carbone, des solutions pragmatiques et réalistes existent. C’est le message central qui s’est dégagé du 11e Moving Mountains Forum, qui s’est tenu aux Diablerets (VD) les 25 et 26 août, en présence de représentants d’autorités politiques nationales, cantonales et communales.

« Décarboner le tourisme hivernal et l’énergie en montagne, défi ou mirage ? » : tel était le thème de ce forum, plus que jamais d’actualité avec les événements géopolitiques et climatiques vécus depuis le début de cette année. Pour entamer la réflexion, la Présidente du Conseil d’Etat vaudois Christelle Luisier (PLR), qui va co-diriger le Plan climat cantonal, s’est livrée jeudi soir à un véritable plaidoyer pour la mise en commun des compétences et l’harmonisation des procédures. Selon la ministre vaudoise, qui s’est plu à rappeler son attachement à la montagne « protectrice », il n’est plus concevable de travailler en silo et de développer des législations qui finissent par s’opposer les unes aux autres. 

Car il faut convaincre la population de la pertinence des démarches : « Nous sommes en démocratie, pas en démocrature », a imagé Christelle Luisier, sous le regard de la présidente du Grand conseil vaudois Séverine Evéquoz (Les Verts). Des paroles qui ont fait écho au témoignage sincère et engagé du syndic d’Ormont-Dessus Christian Reber, sur le bénéfice de la simplification des procédures. Et la nécessité de tous tirer à la même corde : « Nous n’avons plus le luxe de nous disputer. »

Vendredi matin, un premier débat centré sur les actions menées dans le périmètre de Chablais Région a permis de montrer que l’attention des milieux touristiques se porte de plus en plus vers une perspective en « 3 saisons + 1 » : « Le potentiel de l’automne est important, remarque Henri-Pierre Galletti, président de Région Dents-du-Midi. Nous étudions une prolongation de l’ouverture des remontées mécaniques jusqu’au 31 octobre. » Quatre destinations de la région travaillent avec Summit Foundation pour intégrer diverses démarches de durabilité dans leur gouvernance et leur pratique, comme l’a expliqué Charlotte Nerrière, cheffe de projet.

Gretel Ginier, syndique de la commune d’Ormont-Dessus, a montré que des projets novateurs existent, comme celui d’un centre de baignade naturelle au Sépey, mais la lenteur des procédures est un frein à leur concrétisation. Cofondateur de la coopérative Isenau 360, Thierry Weber faisait le même constat, tout en montrant les avancées concrètes réalisées par l’équipe qui s’est emparée de ce pan de la montagne et qui espère en faire un laboratoire d’innovation durable en matière touristique. Philipp Niederberger, directeur de la Fédération suisse du tourisme, est venu appuyer ces démarches en mettant en exergue le soutien que sa branche apporte aux initiatives qui visent un tourisme doux, étalé sur plusieurs saisons. 

Le conseiller national valaisan Christophe Clivaz (Les Verts), qui est également professeur associé à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne, a rappelé que le formidable essor du tourisme alpin n’est qu’une séquence dans l’histoire des vallées – depuis l’essor du ski – et qu’un basculement vers l’été est à prévoir. Il a prôné pour une vision plus large des stations de montagne que leurs seuls domaines skiables, et pour une approche qualitative plutôt que quantitative, indiquant aussi le problème que pose la séduction d’une clientèle lointaine : « Un client chinois qui vient une seule fois en Suisse génère près de la moitié du CO2 d’un touriste local sur une année ».

En visioconférence depuis Zurich, la chercheuse et co-auteure du rapport du GIEC Sonia Seneviratne, professeure à l’EPFZ, a présenté les données implacables de l’évolution climatique des dernières décennies, répétant la nécessité d’un « changement radical » pour tenter de maintenir le réchauffement moyen de la planète à 1,5 degré Celsius. Pour cette scientifique mondialement respectée, qui a des attaches dans la vallée des Ormonts, les solutions existent, comme un abandon complet des énergies fossiles pour chauffer nos maisons, ou l’électrification complète des véhicules, a-t-elle déclaré.

Propositions dans les stations

Face à ce défi, les responsables des grandes stations, représentés au Forum, ont répondu par une série de propositions et de projets qui s’inscrivent « dans la complexité » d’une réalité qui mélange les éléments économiques, sociaux et environnementaux. Cofondateur du Magic Pass, Sébastien Travelletti constate que l’acheminement des touristes jusqu’aux stations, qui représente plus de 50% de l’impact carbone, nécessite encore beaucoup d’efforts pour un basculement vers les transports publics, malgré des offres qui restent pour l’instant à la seule charge des sociétés privées. 

Reto Gurtner, président de Weisse Arena (Laax/Flims), première station suisse à avoir fixé un objectif zéro carbone à 2030, et Paul-Marc Julen, président de Zermatt Tourisme et de la société familiale attachée à une agriculture de montagne bio, sont venus plaider pour des solutions mêlant technologie, plafonnement de la clientèle, étalement de l’offre et réduction de la consommation d’énergie. « Des solutions inspirantes », a souligné Sergeï Aschwanden, directeur de la destination Villars-Gryon-Les Diablerets-Bex, qui a expliqué exemples à l’appui que ces questions préoccupent les acteurs du secteur depuis plusieurs années. 

Fondatrice de l’ONG française Résilience Montagne, Valérie Paumier a plaidé pour une réflexion à long terme sur « l’après-ski » et l’intégration plus forte des institutions scolaires et universitaires en montagne. Elle constate que ses propositions sont souvent fraîchement accueillies par les milieux concernés, qui peinent à se projeter dans une réalité inexorable, soit la fin de l’industrie des sports d’hiver. La consultante et ancienne secrétaire générale de la Fédération internationale de ski (FIS) Sarah Lewis, qui fut une compétitrice sur le circuit de la Coupe du Monde et qui conseille aujourd’hui les grands événements sportifs, estime que la plupart d’entre eux ont intégré la nécessité d’une politique de durabilité. Elle s’attelle à les soutenir en ce sens.

Un financement pour la transition énergétique

Frédéric James Gentitzon, CEO de la société Innergia qui a conclu un partenariat exclusif avec Cosmofunding, une division du groupe bancaire Vontobel dont le directeur Stefan Pomberger était présent au forum, a présenté sa solution pour que les petites communes puissent financer et réaliser leur transition énergétique sans endettement. Une première réalisation a démarré à Rossinière, comme l’a expliqué le syndic Jean-Pierre Neff. Innergia a profité du Moving Mountains Forum pour annoncer l’entrée à son capital de l’homme d’affaires et environnementaliste suisse André Hoffmann. Cet exemple très concret de transition durable a passionné l’assistance, dans laquelle se trouvait notamment l’ancien vice-président de la Banque nationale suisse et professeur de l’UNIL Jean-Pierre Danthine.

De son côté, Michael Berset de Romande Energie a fait le point sur les avancées du parc solaire du Lac des Toules (VS) et de son potentiel de production énergétique : une solution technique avantageuse, qui se déploie sur des sites où l’homme est déjà intervenu, avec un rendement potentiel très élevé grâce notamment au rayonnement solaire en montagne, été comme hiver.

L’ensemble des participantes et participants a pu apprécier les produits du terroir : le jeudi soir, un repas champêtre servi par les équipes de l’Eurotel Victoria, avec les vins du Domaine de la Pierre Latine à Yvorne, et le vendredi en début d’après-midi, l’excellente raclette et la charcuterie de La Terrasse d’Isenau, accompagnées des vins de la Commune d’Aigle.

Vers une Fondation

Le prochain Moving Mountains Forum aura lieu les 24 et 25 août 2023 aux Diablerets. D’ici là, l’association prévoit de se développer en Fondation, afin de consolider son assise et de concrétiser des projets, comme l’ont expliqué Philippe Doffey, directeur général de Retraites Populaires et François Randin, fondateur de la société Green Motion (aujourd’hui intégrée au groupe Eaton), parrains de la démarche.

 

©Christophe Racat/ecovillages/DR